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Autant j’ai été constament transporté par la magie de l’Inde sur mon premier voyage, autant ce second a été moins intense de ce point de vue. J’étais globalement moins surpris par ce que je voyais, moins enivré par cette culture complètement différente. J’ai quand même eu des moments forts qui vont me rester, et mon retour m’a montré, par contraste entre là-bas et ici, combien c’est quand même un autre monde.

Par contre, la population du Tamil Nadu m’a marqué. De peau relativement sombre, ils sont globalement très beaux : des traits fins, des sourires radieux, et pour les femmes un savoir faire pour se rendre belles (saris magnifiques, fleurs dans les cheveux, quelques bijoux). Et cette beauté générale vaut aussi bien pour les hommes que pour les femmes, même si les hommes ne savent pas s’habiller (pantalons noirs et chemises ternes) et certes, les femmes sont quand même plus souvent belles que les hommes. Aussi, ils ont généralement une belle posture, droits, bien dans leurs corps, ce qui est d’ailleurs assez marquant chez les femmes et ajoute à leur beauté.

Ce qui m’a marqué aussi chez les femmes, c’est comment avant d’être mariées elles sont globalement joyeuses, pétillantes, les yeux pleins de lumière, et comment une fois mariées elles semblent porter le poids de leurs responsabilités familiales.

Mais le sud, c’est aussi ces très étranges mouvements de tête difficiles à interpréter. Chez nous, il y a le oui qui est un mouvement vertical avant/arrière, et le non qui est un mouvement horizontal gauche/droite. Leurs mouvements sont des sortes de mouvements verticaux gauche/droite mais … c’est vraiment curieux. Comme une sorte de vibration rapide, qui parfois donne l’impression que la tête vibre parfois à 2 endroits différents (en haut et en bas simultanément). En tout cas, au début ça surprend et on n’en comprend guère le sens. Est-ce un oui ? Un non ? Autre chose ? Sur la fin j’avais l’impression de commencer à décrypter correctement le oui …

Aussi, j’ai lu dans un journal local que 64% des indiens avaient un téléphone mobile, dont 24% un smartphone. Ca signifie qu’un quart des indiens a un smartphone. C’est assez correllé avec ce que j’ai vu : beaucoup de gens avec des smartphones. Ca m’a surpris au début, ce n’était pas tant le cas il y a deux ans. … mais visiblement c’est bien parti pour augmenter, même si l’article du journal se plaignait que le taux d’augmentation était l’un des plus bas des pays émergents. Quoi qu’il en soit, ça crée un contraste avec le côté traditionnel encore très présent.

En parlant de ce côté traditionnel, dans la plupart des mes étapes il était plutôt bien conservé. Femmes en Saris, hommes en chemises moches, on voyait bien où on était. Par contre, à Hyderabad, ça a été un gros changement. Beaucoup d’hommes et de femmes habillés de façon « moderne ». Hommes en t-shirt, jeunes femmes avec des pantalons, robes, jupes ou shorts. Ca se vois au niveau des chaussures aussi : en général tout le monde a des sandales ou équivalent, mais à Hyderabad j’ai vu pas mal de monde avec des chaussures en cuir ou des baskets. Ce changement était visible aussi dans les restaurants. Autant presque partout où j’étais, manger à main nues était la norme (avec une vraie technique pour ne pas en foutre partout, surtout pour le riz), autant à Hyderabad les couverts étaient très répandus, voire presque une norme là aussi.

Le sous-continent indien, qui porte bien son nom, est un rassemblement de peuples différents. Langues différentes, physiques différents, histoires différents … D’une certaine façon ça ressemble à l’union européenne qui est aussi un rassemblent de peuples hétéroclites. Pourtant, comme chez nous, il y a des similarités qui rassemblent. L’héritage religieux en est un, même si c’est assez compliqué avec un hindouisme très majoritaire, puis de l’islam, du boudhisme et du christianisme. En tout cas, ça marche et il ne se posent visiblement pas de questions sécessionistes.

Au sujet de la religion, autant il y avait peu d’églises dans le nord, autant j’ai été surpris d’en rencontrer très régulièrement dans ce sud-est. En discutant avec un indien, j’ai appris que dans le sud-ouest (Goa, Kerala) c’était nettement plus marqué. En fait, en cherchant un peu, j’ai découvert que le christianisme s’était installé en Inde aussi tôt que le 4ème siècle après JC, et possiblement même dès le 1er siècle. En cause, Saint Thomas qui s’est baladé dans le coin et y a fini sa vie. A ce titre, vu que St Thomas venait visiblement de Syrie, cette origine est restée et on parle souvent d’église Syriaque. Cela explique cette rencontre étrange avec la « Catholic Syrian Bank » à Pondicherry, que j’ai revu au moins une fois dans une autre ville par la suite.

En parlant de religion, parlons aussi un peu de l’hindouisme. Le livre que j’ai emmené (Les Mythes des Indes) m’a aidé à éclairer un peu toute la complexité de cette foi. Il y a donc plein de dieux, certains mineurs, certains majeurs. Parmis les dieux majeurs, il y a des courants qui tendent à considérer que l’un est supérieur à l’autre, et c’est là qu’on a le Shivaïsme, le Vishnouisme et le Shaktisme en particuler (Shakti = la Déesse dans sa globalité). Très concrètement sur mes deux voyages, on rencontre énormément de petits sanctuaires dédiés à Ganesh, mais les vrais temples sont plus rares. Par contre, Shiva a clairement le monopole des grands temples. Ensuite il y a quelques temples pour Vishnu, et pas mal de petits temples dédiés à Durga. Puis il y en a d’autres que parfois j’étais incapable d’identifier, mais dans le sud il y en a pour Murugan, un fils de Shiva.

Pour élaborer, l’hindouisme considère qu’il y a vraiment 3 dieux principaux, la Trimurti, que sont Brahma (qui n’a que 2 temples pour toute l’inde, c’est un fait qui est souvent expliqué d’une façon ou d’une autre dans les mythes), Shiva (qui est vénéré sous sa forme Lingam, ce qui m’a beaucoup surpris sur mon premier voyage), et Vishnu. A cela il faut ajouter la Déesse, « Devi » ou « Shakti », qui a de multiples incarnations, mais on ne se réfère jamais à elle comme tel, toujours par une de ses incarnations particulière (Parvati, Durga, Kali, et toutes celles que je ne connais pas …).

Chacun des dieux de la Trimurti a un rôle spécifique dans la cosmogonie. Brahma est le créateur, il crée sans trop s’interroger sur le bien fondé de ses créations, et c’est généralement lui qui donne des super-pouvoirs aux démons qu’il faut ensuite gérer (cf. le mythe de création de Durga et le mythe de sa transformation en Kali). Shiva de son côté serait plutôt le destructeur, car à un moment il faut bien faire table rase si on veux passer à autre chose. Ce rôle je ne l’ai jamais vraiment perçu nulle part dans tout ce que j’ai vu, probablement parceque l’image que l’on a de la destruction dans notre civilisation est très différente de la leur. Pour nous c’est totalement négatif, j’imagine que pour eux, ça fait partie du cycle des choses. Finalement, il y a Vishnu qui serait le « préserveur », celui qui fait en sorte que l’ordre règne et que tout fonctionne. A posteriori, je trouve que ça colle avec ce que j’ai vu de lui.

Aussi, Shiva au delà d’être en théorie le destructeur a aussi plusieurs étiquettes (n’oublions pas qu’il y a 1008 noms, un pour chacun de ses aspects). En particulier, c’est l’inventeur du Yoga, chose que j’ai commencée à comprendre en visitant Tiruvarur. Le Yoga étant en l’occurrence bien plus qu’une simple gymnastique, c’est une connaissance et une compréhension globale de comment le corps de matière s’inscrit dans le reste de l’univers (matériel et immatériel). C’est aussi le danseur cosmique, mais je ne comprends pas bien cette forme aujourd’hui. J’imagine que la danse est une représentation du cycle des choses : un rythme qui commence et qui finit, aussi j’ai l’impression que c’est plus sous cette forme qu’il est le destructeur. Certains le qualifie de créateur/destructeur, ayant la maîtrise globale de tous les cycles. Bref, il y aurait sans doute beaucoup plus de choses à dire, il est compliqué …

Mais il faut noter qu’il est connu pour avoir passé son temps à méditer, encore et encore, et être insensible à certaines choses de la vie, en particulier les femmes. Et il a fallu des efforts inconsidérés à Parvati (plusieurs années de prière et d’ascétisme) pour que finalement il accepte de devenir son époux. De là ses enfants, Ganesh (dont la tête d’éléphant a son histoire), et quelques autres qui me sont plutôt inconnus. Donc, non seulement un sage ascétique, mais aussi un époux et un père, de quoi en faire « Dieu le père » pour beaucoup.

Au final, plus j’approfondis l’hindouisme, plus j’ai l’impression qu’il est facile de s’égarer dans sa pluralité, et qu’on peut aisément perdre de vue les enseignements fondamentaux au milieu de tout ce bordel de mythes et de multiples définitions de ce qui est bien ou mal. C’est tout un système intégré à une culture de vie, où se mélange l’enseignement spirituel et des éléments fondamentaux de la structure sociale (ici entre autre choses, le système des castes). Le livre que je lis revient souvent sur le fait que les textes anciens sont aussi ré-interprétés aux besoins de l’inde moderne, qui utilise sa religion comme un marqueur identitaire nationaliste. Ainsi, le végétarisme très identitaire des indiens ne serait pas issus des textes anciens, bien qu’il soit aujourd’hui considéré tel dans l’imaginaire collectif.

Quoiqu’il en soit, parler ce cette Inde du sud, c’est aussi parler de sa nourriture. Tout d’abord le thé et le lait. J’avais été conquis par le thé aux épices du nord de l’inde, mais ici j’ai été plutôt déçu. Déjà par un mélange d’épice qui me convient moins, mais surtout par un lait de qualité plutôt médiocre. Je m’en suis surtout rendu compte quand j’ai bu du vrai bon lait à Tiruvannamalai, alors qu’avant c’était globalement pas top (niveau lait aseptisé de chez nous que je n’aime guère).

Niveau nourriture, c’est très épicé/pimenté, et à ma surprise je l’ai très bien supporté au début. Mais au bout d’une semaine, ça a commencé à devenir compliqué et, lentement mais sûrement, je mangeais moins et moins équilibré. En effet, les légumes et protéines (légumineuses) sont généralement ce qu’il y a de plus pimenté, et si je saturais sur le pimenté, je ne prenais pas ces nutriments essentiels. Comme je l’ai dit dans mon article sur Hyderabad, à la fin ça commençais à être difficile pour moi et quand je suis rentré, la priorité des premiers jours a été de manger quantité de viande et de légumes pour me remettre d’applomb.

Quoi qu’il en soit, les petits déjeuners étaient généralement ce que je préférais, soit avec un Dosa (cf. quelques photos que j’ai prises), ou avec des Vada (petits beignets en forme de Donuts), des Poori (loin d’être pourris comme leur nom l’indique, une sorte de pâte frite fort sympathique), ou des Uttapam (sorte de crêpe cuite directement avec des légumes mélangés à la pâte). J’ai moins aimé les Idly, trop bourratifs (sortes de « gâteaux » sâlés condensé de riz). Dans tous les cas, tout ce que j’ai cité se mange avec diverses sauces plus ou moins épicées dans lesquelles on trempe le Dosa/Vada/Poori/Uttapam/Idly.

Les repas du midi (Thali) étaient trop copieux pour moi en général et soit je mangeait un Dosa, soit sur la fin je m’achetait juste quelques bananes pour faire un 4h au lieu de manger à midi. Les bananes, que je ne mange plus depuis longtemps en France, sont ici tout à fait excellentes et j’ai toujours pris plaisir à les manger (ici elles ont un goût altéré et me laissent toujours un poids sur l’estomac). Les oranges par contre sont assez moyennes, les nôtres d’origine espagnoles, italiennes ou nord-africaines sont tout simplement meilleures.

Niveau fruits, j’ai souvent bu des jus d’ananas frais assez sympa, et deux ou trois fois du jus de Grenade avec du lait qui m’a laisse à très bon souvenir. Les jus d’orange sont corrects, à l’image du fruit brut qui manque de saveur (d’où le fait qu’ils y ajoutent généralement du sucre, d’ailleurs). J’ai aussi acheté une fois des raisins, qui sont des raisins longs sans pépins. Rien de spécial à dire, c’est comme notre raisin.

Finalement le soir il m’arrivais souvent de prendre une soupe. Parfois très épicée, c’était aussi un bon moyen de me réhydratter après une journée sous une chaleur épuisante. Bizarrement, le côté épicé contribuait à la sensation réhydratante. D’ailleurs, une fois qu’on a pris l’habitude du goût pimenté, manger un aliment qui ne l’est pas est décevant (même si trop c’est trop, il y a toujours plaisir à en avoir un peu). Il y a une forme d’addiction qui se crée, et vers la fin quand j’ai pris une soupe « crème de tomate », sans aucune épice, c’était tristounet …

Tout cela m’a amené une petite réflexion sur la nourriture, liée à mes diverses expériences ici et ailleurs. C’est un peu hors-sujet avec l’Inde, mais c’est l’occasion d’en parler.

Agriculture moderne = pesticides + engrais chimiques + élevage en batterie + antibiotiques + congélation + aseptisations diverses + additifs et conservateurs + …

Autant de choses qui diminuent aussi bien les qualités gustatives que nutritives des aliments, sans compter l’ajout de toxines pour le corps humain. Alors c’est clair qu’il y a 3 gros avantages : tout d’abord, une productivité plus importante, ensuite une vraie sécurité alimentaire (pas de produits avariés), et finalement la possiblité d’accéder à des produits plus variés. Mais, cela en vaut-il la chandelle ?

Il ne fait aucune doute que les différences entre les laits que j’ai bu étaient la différence entre un lait asseptisé (que n’aime pas) et un lait venu directement de la vache du coin (que j’adore). Idem entre une banane importée que je ne mange plus et une banane locale que je mangerai régulièrement si elle existait chez nous. Et pour la viande, je parle souvent de ma sensation en Sibérie, en mangeant un ragoût de mouton local, que je me suis sincèrement demandé c’était QUOI la viande qu’on mangeait chez nous. La différence gustative et nutritive entre les deux était tellement importante que sur le moment le mot « viande » ne semblait ne plus avoir le même sens (carton pâte pour la nôtre – même de bonne qualité – et chaire d’une animal bien nourri et heureux pour ce ragout de mouton). (A ce sujet, bons souvenirs aussi pour la viande philipinne et le poulet Tandoori de Tiruvarur).

Bon, j’achète 100% de ma nourriture en Bio ici, ce n’est pas toujours parfait, mais c’est quand même l’assurance d’une certaine qualité (plus jamais je n’achèterais de tomates totalement dénuées de goût dans un Franprix ou équivalent).

Au final, je suis quand même assez content de ce voyage. Les étapes spéciales que j’avais choisies ont toutes eu une saveur unique, et chacune m’a apporté ce que j’en attendais, même si parfois de façon très indirecte (Sri Sailam …). Aussi, je ne sais pas si j’y retournerai ni quand. Mais comme la dernière fois, je rentre avec une envie assez intense d’aller voir, de sentir, l’Himalaya. Enfin … je vais déjà continuer ma route en France, et je verrais bien s’il y aura un round 3 ! « Time will tell » comme disent les anglo-saxons …

Aussi, j’ai eu la chance au retour de décoller de bon matin de Munich vers Lyon, d’être côté fenêtre, et d’avoir une météo favorable. Et donc, j’ai vu les alpes ! J’ai donc quelques photos qui je l’espère rendront ces vues magiques …

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