Sri Sailam

En étudiant le trajet pour aller à Srisailam, je me suis rendu compte que c’était encore plus compliqué que je ne l’imaginais. Il y a environ 540 km de route en partant de Tiruvannamalai et les trajets en bus que j’avais fait jusque là n’avaient jamais excédé les 180 km. Du coup, pour y aller en bus, il fallait d’une part que je planifie un trajet sur 2 jours, et d’autre part que je sois certain d’avoir les bons bus qui vont aux bons endroits sur chacun de mes points de passage intermédiaires … Au final, j’ai renoncé et choisi la solution de facilité (et la seule qu’étaient capables de me proposer les indiens) : le taxi. Jusque là mes trajets fait avec les bus d’état avaient été super bon marchés, d’un seul coup mon budget transport inter-cité a explosé …

La route s’est plutôt bien passé. C’était intéressant de voir la route de devant cette fois, plutôt qu’avec une fenêtre sur le côté. J’ai pu ainsi voir la conduite indienne aux premières loges, et commençant à y être habitué j’étais globalement en confiance … juste une ou deux fois où je me suis dit que jamais personne n’aurait fait une telle manoeuvre sur nos routes. Mais ici, tout le monde connait les règles implicites et s’y adapte, et ça fonctionne bien.

Arrivé à la tombée de la nuit, j’ai immédiatement compris que c’était un endroit « compliqué » pour moi. C’est une bourgade dédiée uniquement au pèlerinage du temple local, et c’est un pèlerinage assez prisé. Des familles entières débarquent, font ce qu’elles ont à faire, peut-être restent un peu pour se baigner en contrebas ou visiter quelques curiosités naturelles alentours (grotte, cascade), puis repartent. C’est donc vraiment un « trou perdu où il n’y a rien à faire ». Un grand lieu de pèlerinage comme Tirupathi (à moindre échelle) mais c’est tout.

Aussi, en arrivant j’ai pu constater que ce lieu est situé dans une sorte de parc naturel, une réserve de tigre en particulier. Et visiblement, ce genre d’endroit (les parcs naturels) sont souvent soumis à des règles de circulation particulières où il est interdit de circuler la nuit. Ici, entre 21h00 et 6h00, interdiction de circuler. Mon taxi était donc assez pressé de repartir …

De mon côté, je n’avais pas d’hôtel réservé sur place, mes tentatives de réservation par téléphone ou internet avaient échouées (pas de réponse dans un cas, refus de ma CB dans l’autre), ce qui ne m’étais jamais arrivé jusque là. De fait, je me suis fait éjecter du premier hôtel que j’avais choisi qui m’a envoyé vers le dortoir des pèlerins. J’ai ainsi appris que les personnes seules n’avaient tout simplement pas le droit d’avoir une chambre pour eux, aussi bien dans les hotels que les chambres d’hote : elles sont réservées aux familles. Donc, dortoir pour moi. Mais un dortoir propre, bien tenu, avec un casier pour mettre mes affaires en sécurité.

Quoi qu’il en soit, moi qui avais prévu de rester au moins 3 jours, j’ai révisé mes plans. Tout d’abord, comme d’habitude, un premier jour pour « sentir » le lieu, puis un second jour pour aller au temple. La première phase s’est avérée bizarre. A certains moments je me sentais bien, en harmonie avec le lieu, mais ça ne durait pas bien longtemps. Et toujours revenait une sensation de ne pas vouloir m’éterniser ici, avec des pensées du type « Je n’ai rien à faire ici » et « Ce qui se passe ici ne me concerne pas ». Ce n’était pas une envie de fuir, mais juste ne pas rester.

De plus, d’un point de vue architectural, le temple n’a pas grand chose à montrer. Il est loin d’être grandiose et n’invite pas à la contemplation … et niveau ambiance, pendant la moitié de la journée et de la nuit, des hauts-parleurs diffusent des chants religieux. Au début je trouvait ça cool mais en fait ça crée une atmosphère un peu pesante … (d’autant plus que les chants, visiblement pré-enregistrés, sont dans des registres assez variables et pas toujours à mon goût).

Aussi, après ma journée à voir à quoi tout cela ressemblait, j’ai décidé : le lendemain matin, visite du temple puis ensuite, si nécessaire sieste puis direction le bus et Hyderabad.

Le soir dans le dortoir j’ai un peu discuté avec un gars qui venait d’arriver qui m’a appris un peu le fonctionnement. En effet, vu que c’est un lieu où beaucoup de monde passe, l’organisation est drastique. Des couloirs de barrières, des cages pour stocker les pèlerin … à l’entrée on a le choix entre le pèlerinage payant pour réduire les temps d’attente, avec un système de photo numérique et de cartes codées à l’entrée, ou le gratuit. J’ai pris le gratuit et me suis levé à 5h15, pensant que ça allait aller assez vite.

Que nenni ! A cette heure-ci il y avait déjà plein de monde et j’ai passé pas loin de 3h dans une « cage » avec une petite centaine d’autres personnes ! En fait ce lieu est vraiment un gros lieu de pèlerinage, le 2ème de l’Andra-Pradesh après Tirupathi. Finalement, après avoir vu les idoles locales (une incarnation de Shiva et une de la Déesse), je suis sorti vers 9h30. Petit-déj, faire les affaires, et à 11h j’étais dans le bus.

Pourquoi j’ai voulu venir ici ? Quand j’étais allé à Ujjain il y a 2 ans, j’y étais allé sans trop savoir pourquoi, juste attiré irrationnellement. Il y a là un temple avec un « Jyotir-Linga », un Lingam spécial qui s’est formé naturellement. Il y en a 12 en inde et ce sont des lieux spécialement sacrés pour cela. Ici, à Srisailam, pareil, un Jyotirlinga. Quand j’avais regardé un peu tout ça, j’avais vu qu’il avait la particularité d’être juste à côté d’un « Shakti-Peetha », un truc spécial lui aussi mais pour la Déesse cette fois (il y en a 18 en Inde). Et c’est le seul endroit où ces 2 choses sont réunies simultanément. Aussi, symboliquement il y a quelque chose de l’harmonie entre le masculin et le féminin, et c’est ce symbole que je voulais voir.

Mon ressenti final ? Vraiment bizarre, il y a quelque chose dans cet endroit, c’est sûr, mais il y a aussi quelque chose qui me pose vraiment problème – mais impossible de dire quoi exactement. L’industrialisation du pèlerinage peut-être ? Quoi qu’il en soit, j’ai passé l’étape, fin des visites des temples, Hyderabad c’est plus une ville avec une histoire et des monuments.

Aussi petites anecdotes. J’ai donc discuté avec ce gars le soir avant de partir. De son côté il voulait se lever à 4h du mat pour réussir à avoir le passage payant, afin d’être sûr d’être là quand les pèlerins ont le droit de toucher le lingam (de mon côté je l’ai juste vu de loin, il y a seulement certaines heures où on peux le toucher). Quand je suis rentré au dortoir il était là un peu désespéré : il n’avait pas pu avoir son ticket comme espéré et il attendait la session suivante vers midi … il faut savoir qu’il est venu exprès ici pour la journée, et que son plan était de repartir juste après avoir pu toucher le lingam … (on aurait pu repartir ensemble dans le même bus).

Un autre jeune à qui j’avais parlé la veille, avec des échanges intéressants sur nos cultures respectives (qui m’a d’ailleurs confirmé qu’un hindouiste passe dans un temple au moins une fois par jour), était aussi allé dans le temple dans la matinée. Je lui avais laissé mon numéro et il m’a rejoint au bus, on aurait pu faire la route ensemble là aussi. Mais … il avait perdu son sac de vêtements et se retrouvait avec une sorte de jupette rituelle qui l’ennuyait bien … Je lui ai prêté quelques roupies qu’il se trouve un pantalon décent …

Etrange de voir les destins des pèlerins. L’un qui vient pour la demi-journée, et qui finalement se retrouve à rester plus longtemps que prévu, l’autre qui perd son sac, et moi qui préfère quitter les lieux rapidement. Bizarre cet endroit, bizarre je vous dit !

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